dimanche 26 mai 2013

Les albanais face au l'empire ottoman

Chrétiens et Turcs
Par Eugène Poujade

Les Albanais qui habitent l'ancienne Illyrie et l'Épire, ou la haute et basse Albanie, ont entre eux des différences profondes. Ceux de la haute Albanie s'appellent Ghegues, et le pays qu'ils habitent s'étend du pied du Montenegro et des frontières de la Bosnie jusqu'à Bé- rat. Ils lui donnent le nom de Ghegaria. Ils sont musulmans, catholiques ou grecs. Qu'ils suivent la croix ou le croissant, ils sont très-attachés à leur religion. Ils sont grands, robustes, disciplinés. Leur costume est beau. Ils portent une veste de drap rouge brodé, avec des manches pendantes et une tunique de même drap enserre leur taille et laisse à peine voir sur le devant la foustanelle blanche ou le jupon, qui descend au-dessus du genou. C'est sous le règne de Mourad II que l'istamisme lit les plus grands progrès en Albanie, lorsque Scanderbeg viola sa foi envers le sultan et renonça à la religion musulmane.

« Cette double désertion, dit Cantimir, irrita tellement Amurat, qu'il convertit en mosquées toules les « églises chrétiennes du pays des Arnautes, et pour « faire aulant de victimes expiatoires qu'il serait en son « pouvoir, en signe de réparation à Mahomet, il or- o donna sous peine de mort que tous les Épirotes fussent « circoncis. Cette méthode fit des prosélytes sans nom- ii hrc, et tout le pays fut en peu de temps initié à la « foi mahométaue. »

C'était surtout dans la haute Albanie et parmi les Albanais descendant des anciens Illyriens que l'istamisme avait recruté ses adhérents. De tout temps la race illyrienne avait été très-inférieure à la race grecque au point de vue de l'humanité et de la civilisation, et sans doute le christianisme n'avait pas poussé des racines bien profondes chez les Albanais illyriens. Nous verrons cependant bientôt une noble exception dans les Myrdites Albanais catholiques, qui ont conservé leur foi jusqu'à nos jours. Mais un événement qui eut les conséquences les plus graves pour l'Épire et pour l'avenir du christianisme en Orient, ce fut l'apostasie qui signala la domination d'Ali-Pacha. Jusque-là l'istamisme n'avait triomphé que dans la haute Albanie. En Épire même, des villages passèrent en masse d'une religion à une autre; l'exemption du kharatch fut un appât auquel les chrétiens, même ceux de race grecque, ne purent résister. L'Albanais est pauvre, intéressé, peu propre aux arts qui enrichissent. Les Grecs restèrent en plus grand nombre attachés à leur vieille foi; la langue et la croix étaient enseignées par des prêtres ignorants et qui offraient le saint sacrifice de la messe avec des mains qui venaient de manier la hache du bûcheron ou de tenir la charrue, mais dont le cœur était plein d'une foi vive. Ces prêtres conservèrent pendant des siècles le double trésor de la langue et de la religion, et sauvèrent les Grecs de l'istamisme. Quant aux Albanais, ils ne voyaient dans l'attachement à la religion chrétienne qu'une duperie ; ils trouvaient plus commode de commander que d'obéir, mais ils ne contraignaient pas leurs femmes à changer de religion. J'ai connu des chefs Albanais qui avaient encore leurs vieilles mères ou leurs tantes chrétiennes, et dans les villages des Tchames et des Liapes on peut voir fréquemment le mari et la femme manger dans le même bassin de cuivre la pita, galette assez appétissante, la moitié cuite sans beurre pour la femme pendant le carême, tandis que la mokié destinée à l'époux est remplie de viande savoureuse de mouton, et cuite au beurre. On trouve tous les jours des documents où on lit Mehemet ou Abdullah, fils de Constantin ou de Démétrius. Cette apostasie a certainement retardé l'heure de l'affranchissement de la Grèce, et l'a rendu très-incomplet lors de l'avènement du Péloponèse à l'indépendance et à la liberté.

Les autres tribus ou races albanaises sont les Toskes qui sont dans le sandjak d'Avlonc et de Bérat, et les Tchames et les Liapes dans les sandjaks de Delvino et de Janina. Les Grecs instruits de l'Épire croient que les Albanais de la Tchamouria et de la Liapouria sont de race hellénique. Ils ont conservé, en effet, plusieurs des caractères des anciens Grecs. Ils sont menteurs, superstitieux , et doués d'une grande éloquence naturelle. Les femmes et les enfants des Tchames et des Liapes parlent très-bien grec, tandis que dans le reste de l'Albanie, à Prémeti, par exemple, et à Argyrocastro, les femmes ne parlent pas du tout le grec; leur apostasie date, ainsi que nous l'avons dit plus haut, de la domination d'Ali-Pacha. Il y a encore, dans la Tchamourie, des familles albanaises musulmanes qui ont des noms grecs, comme la famille Tenasatos.

Les Albanais sont de bons soldats: Les successeurs  d'Amurat II, dit un historien du xv-me siècle, ou par  estime, ou par politique, ont toujours tenu plusieurs o milliers de ce peuple à leur solde; ils passent pour être les meilleurs soldats de l'empire, et c'est avec raison, car ils vont à l'ennemi avec plus de résolution et plus de flegme que les janissaires; ils ne sont point « rangés par bataillons réglés, mais ils se conduisent « avec un certain ordre dont ils sont convenus entre  eux, au moyen de quoi ils tiennent ensemble et « savent se rallier dans la mêlée ; il faut que l'armée entière soit mise en déroute pour les désunir et les « disperser, Ce qui les rend surtout fameux, c'est la juslesse avec laquelle ils tirent un fusil ; un Albanais se fait un jeu d'enlever avec une balle, à deux cents pas a de distance, une pomme ou un œuf de dessus la tète  de sa mère ou de sa femma »

Cet éloge d'un historien que Gibbon trouve « versé dans la langue, les annales et les institutions des Turcs,» ne saurait cependant s'appliquer qu'aux soldats de la haute Albanie et aux Myrdites Albanais catholiques; les autres ont été et sont des milices irrégulières,sauf pour les régiments incorporés dans l'armée régulière à partir de la création de cette armée sous le suttan Mahmoud, et dont l'incorporation a toujours eu lieu après une expédition en Albanie et une réduction des insurrections albanaises. Ces régiments ont alors figuré parmi les meilleures troupes ottomanes, et à la bataille de Koniah gagnée par Ibrahim-Pacha sur l'armée turque, commandée par Reschid-Méhémet-Pacha, tout l'honneur delu journée du côté des Turcs resta à deux régiments albanais récemment introduits dans l'armée et qui firent preuve d'une discipline, d'un courage et d'une solidité dignes d'un meilleur sort.

http://www.google.com/books?dq=recueille&lr=&pg=PA102&id=4-uCAsuKWSUC&hl=fr

Les albanais a la veille de la Bataille du Kosovo 1389



Lorsque les auxiliaires serviens, de retour dans leur pays, racontèrent le supplice de leurs frères devant Konia, le ressentiment fut général, et la Servie se révolta, comptant sur l'assistance des Bosniens et même des Bulgares, dont le kral Sisman, quoique beau-père de Murad, s'unit en secret contre lui avec Lazare, kral de Servie (2). Les forces des deux peuples firent subir à vingt mille Turcs, alors occupés à p lier la Bosnie, une défaite si complète que cinq mille a peine échappèrent au carnage [1387]. Murad pouvait bien alors disposer des troupt s auxiliaires des princes asiatiques de Tekke, Aidin, Mentesche, Ssaruchan, et Karaman, inclinés devant sa puissance (3); mais, en Europe, léserais de Bosnie, de Servie et de Bulgarie étaient ligués contre lui; le prince de la Tatarie-Dobruze s'était laissé entraîner à la défection; il n'y avait que ses vassaux, les princes de Guslendil et de Serrads h qui lui demeurassent fidèles. Il se prépara donc à une campagne d'Europe; et pour assurer pendant ce temps le repos de l'Asie, il en partagea l'administration dans les cinq sandschaks suivants : le pays de Kermian, qui jusqu'alors avait été gouverné par Bajesid, fut confié au vesir-beglerbeg Timurlasch, attendu que le prince, ainsi que son frère Jakub, sniaient leur père en Europe: un autre Ttmwrtasch-subaschi ( lieutenant de police ) fut placé à la tète de l'administration de Slwrihisar et du pays situé sur le Sangarius; Firus-Beg reçut le sandschak d'Angora; le subaschi Kods- cha-Beg, celui d'Akschehr, et le subaschi Kut


Avant d'entrer en campagne, Murad se rendit à Jenitschehr pour y célébrer son mariage et celui de ses deux fils, Bajesid et Jakub, avec trois princesses byzantines, et pour fêter en même temps la circoncision de ses trois petitsfils. Chez les Arabes, Persans et Turcs, ce n'est pas seulement la célébration du mariage des jeunes filles que l'on désigne par le mot noce; sous ce terme générique on comprend aussi la solennisation de la circoncision des garçons, parce que, dans les idées des Orientaux, les fêtes de mariages sont données uniquement à la fiancée et non point à l'époux, qui déjà, comme jeune garçon, a reçu dans les fêtes de la circoncision un dédommagement pour la douleur subie dans l'opération, de même que les réjouissances du mariage sont destinées à sécher les larmes de la jeune fille. Au milieu des réjouissances de Jenitschehr, Murad, pour reconnaître les assurances d'amitié du sultan d'Egypte, envoya à son tour à ce souverain pour ambassadeur Jasidschi - Oghli ( fils de l'écrivain), dont les fils, qui portèrent le même nom que leur père*, honorèrent la littérature ottomane sous le règne de Murad II.

A peine les fêtes étaient achevées, Ali-Pascha s'avança avec trente mille hommes pour châtier la perfidie de Sisman. La Bulgarie, autrefois la Mysie Inférieure, est un pays fertile, protégé, au nord, par le Danube, qui, dans cette partie de son cours, est large et profond, et, au sud, par la chaîne de l'Hœmus. Du côté de ces montagnes, la Bulgarie, dans toute sa longueur, n'est accessible que par ses défilés, auxquels correspondent sur la ligne parallèle du Danube autant de places plus ou moins fortifiées , en sorte que chaque passage venant de la Rumili est, pour ainsi dire, fermé par une forteresse bulgare. Les deux places les plus extérieures de la frontière septentrionale sont, vers l'ouest, Vidin, et, à l'est, Silistra ( le Bodène et le Dorostolos des Byzantins ) (2). Près de Vidin, se trouve , à l'est, Nicopolis, qui, à une époque postérieure, a usurpé la gloire d'une ancienne ville de ce nom située plus avant dans le pays (1 ); et près de Silistra, vers l'ouest, on rencontre Rusdschuk, à la place de l'ancienne Securisca ; et entre Nicopolis et Rusdschuk, là où était Saidava, s'élève la ville de Sistov, fameuse dans l'histoire des traités par la dernière paix conclue dans ses murs entre l'Autriche et la Porte. Les défilés de l'Hœmus correspondant à ces points de la frontière septentrionale, dans l'ordre où ils ont été cités, sont: 1° le Ssuluderbend (passage aqueux ) et le Capuluderbend, qui servent d'ouverture au défile le plus occidental; 2° celui d'isladi, célèbre plus tard par la victoire d'Hunyad, et qui mène à Vidin par Sofia et Nissa; 3° celui de Kasanlik, qui conduit à Nicopolis; 4° Demurkapu (la porte de fer ), débouchant vers Sistov; le cinquième et le sixième, percés à côté l'un de l'autre, se réunissent , au versant méridional de l'Hœmus, à Karinabad; mais, du côté du nord de cette montagne, la route de Rusdschuk traverse le cinquième, celle de Silistra le sixième, et le septième, Nadirderbend, mène également vers cette ville. De ces sept défilés, le plus occidental et le plus oriental sont les plus fameux dans l'antiquité : le premier a été décrit avec exactitude par Ammien, et le second, d'une manière plus poétique, par Théophylactus. Nous reviendrons sur le premier quand la marche de l'armée turque nous y conduira; mais nous rappelons en ce moment les paroles de Théophylactus sur Nadirderbend, parce qu'AiiPascha traversa d'abord avec son armée Tschalikawak , puis se dirigea vers Schumna et Parawadi par Nadirderbend. «Sabulen-Kanalin (dont on a fait Tschali-Kawak) est dans une situation délicieuse au milieu de la montagne; la plaine qui s'étend à ses pieds est couverte d'un tapis émaillé de fleurs; de vertes prairies se déploient au loin et reposent agréablement la vue , tandis que les ombres de la forêt couvrent comme une tente le voyageur qui gravit la hauteur. Mais, à l'heure de midi, il est brûlé par la chaleur, lorsque les rayons du soleil pénètrent dans les entrailles de la terre. Le pays abonde en sources dont les eaux ne glacent point celui qui s'y désaltère, et n'exercent au cime action malfaisante sur les membres qui s'y rafraîchissent. Des oiseaux, posés sur do tendres rameaux, réjouissent par leurs chants mélodieux le voyageur fatigué. Le lierre, le myrte et les ifs se marient avec mille autres fleurs dans une admirable harmonie; l'air est chargé de parfums dont les sens sont enivrés, etc »

C'est par ce passage que le grand vesir AliPascha s'avança vers Schumna, après avoir détaché Jaschsçhi-Beg , fils du beg'erbeg Timurtasch, avec cinq mille hommes, du côté de Parawadi(l). Cette ville, placée dans la profondeur de la dernière gorge orientale de l'Hœmus, fut emportée par la force; Schumna, si souvent quartier général des armées turques (2) dans les temps les plus récents, se rendit volontairement, à la nouvelle de la chute de Tirnowa (3), l'ancienne forteresse de Sisman. Ce prince se fortifia à Nicopolis où il fut assiégé par Ali-Pascha. Alors, il implora la paix. Le grand vesir l'emmena au camp de Murad, qui voulut bien traiter avec lui moyennant le payement du tribut échu et la remise de Silistra. Ali-Pascha poussa des partis, sous les ordres de Tughan-Beg, du côté de Kossova (4), à l'angle méridional de la Bosnie, au point de jonction de sa frontière avec celles de l'Albanie, de l'Herzogewine et de la Servie. Ces coureurs revinrent entraînant une foule de captifs. Ali-Pascha exigea pour leur rançon la remise de Tschete; puis, lorsqu'il fut en possession de la place, il se dispensa de tenir sa parole, attendu que Sisman, au 1 eu de livrer Silistra, la fortifiait de plus en plus, ainsi que Nicopolis. Le vesir poursuivit donc la guerre contre ce prince, prit le château de Dridschasa(5) par capitulation, emporta d'assaut celui d'Hirschova (6) sur le Danube, parut avec toutes ses forces devant Nicopolis, et réduisit le kral à se remettre, avec sa capitale et sa famille , à la merci du vainqueur. Le vesir l'envoya avec ses trésors et ses enfants à Tausli, dans le camp de Murad [1390l, qui lui laissa la vie, mais prit possession de toute la Bulgarie.
Le kral servien Lazare, voyant l'orage prêta fondre sur ses frontières, se prépara A la résistance; voulant même prévenir l'ennemi, il ordonna à son général Démétrius d'attaquer et d'enlever le château de Schehrkoï (1), situé au sommet d'une montagne escarpée sur la frontière de la Bulgarie, maintenant soumise aux Ottomans. A celte nouvelle, Ali-Pascha envoya en toute hâte Jachschi-Beg, le subaschi Aine-Beg et le pascha Sarudsche, avec dix mille hommes, pour reprendre la place. L'entreprise réussit. Le château fut rasé, la garnison emmenée prisonnière; mais Jachschi-Beg, qui en fit le rapport au sultan et demanda la permission de poursuivre l'ennemi, reçut l'ordre de revenir. Lazare n'épargna aucune peine pour déterminer ses voisins, les souverains d'Albanie et de Bosnie, à une ligue de peuples contre Murad, et, plein de confiance dans leur appui, il osa envoyer une provocation au sultan (2). Celui-ci avait rappelé d'Asie ses fils Bajesid et Jakub, qui gouvernaient alors les sandschaks de Kutahije et de Karasi (3), et fortifié son arméedes troupes auxiliaires deSsaru-Chan, Mentesche, Aidin et de Hamid (4). Parmi les souverains chrétiens européens, ses vassaux, il pouvait compter sur le prince de Serradsch et sur Constantin, prince de Gustendil (5). Un plus puissant renfort était le nom d'Ewrenos-Beg, le vieux compagnon d'armes d'Urchan, qui venait d'arriver â l'armée, de retour de son pèlerinage à la Mecque. Murad mena toutes ses troupes par le défilé de Succi (Ssuluderbcnd), le plus occidental de l'Hœmus, qui, selon le rapport d'Ammien Marcellin (6), s'élève graduellement du côté du nord ou de l'Ulyrie, descend brusquëmenë sur le versant de la Thraee, «t ne peut être franchi qu'avec peine à l'aide de sentiers étroits, pratiqués à travers les rochers. Des deux côtés de l'Hœmus , à parlir du point où le Rhodope s'en détache pour s'avancer au sud, s'étendent de vastes plaines; au nord se déploie la campagne de J;irdika ou Sofia, habitée par les Daces au temps d'Ammieu Marcelhn (1); au sud celle de Philippopolis, où demeuraient les Thraces. A son troisième jour de marche, Murad atteignit Ihtin an (2) (l'ancien Helike). Ici la route se partage : à droite, un chemin facile et commode conduit à Sofia, iNissa et Schchrkoï (3); par celui de gauche, qu'inlerrompent souvent les eaux manquant écoulement, on arrive péniblement aux bains chauds de Gustendil, à l'angle où l'Orbelos se joint au Rhodope. Suivant le conseil de son vassal chrétien, le prince de Serradsch, Murad choisit ce chemin, appelé Ssuluderbend, comme le plus court et menant le p'us vite a l'ennemi. Trois jours après son départ d'Ihtiman, il atteignit la pi. ine d'Alaeddin, où il s'arrêta deux jours, et, le lendemain, il était devaut Gustendil, où il fut reçu amica'ement par le seigneur du pays, son fidèle vassal: là, les guerriers fat ignés trouvèrent une nourriture si abondante que, selon l'expression de Neschri (4), on voyait couler des ruisseaux de lait et de miel. La première halte fut dans la grande val'ée d'Ulu-Owa (6), d'où Ewrenos fit une reconnaissance avec quarante cavaliers, et ramena quelques prisonniers (6). D'Ulu-Owa la marche se poursuivit vers Karatova (7), où l'on s'arrè:a plus longtemps. Un envoyé de Lazare, qui. sous prétexte d'apporter un défi, n'étnit venu en réalité que pour voir l'état de l'armée, dut rendre grâces à son caractère, s'il ne reçut, pour prix de son insolent message, qu'une réponse dédaigneuse (8). .Murad tint un conseil de guerre avec les chefs de son armée, et tous furent d'avis de s'avancer dans le pays de l'ennemi. Ewrenos-Beg et Jigit-Pascha prirent la conduite de lavant-garde. L'armée, tirant au nord, traversa les gorges de l'Orbelos, camp* à Gum.schbiszar ( 1 ), sur la rive occidentale àt la Morava, et passa le neuve dans la nuit, tambour battant, enseignes déployées, en six dt» visions, la première était conduite par le grand vesir, la seconde par le prince Bajesid, la troisième par Aine-Beg, la quatrième par le prince .lakub, la cinquième par Saridsch-Pascha , et la sixième par Murad en personne a La plaine de Kossova (en hongrois Rigoinazeu. en allemand le champ des merles) a cinq mil pas de largeur et vingt mille de longueur; traversée par une petite rivière, elle est enfermée de tous côtés par des montagnes de peu d'élévation, auprès desquelles sont bati de jolis villages (3). Là, les troupes de Murad se trouvèrent en face de l'armée, bien supérieure en no : bre, des j rinces alliés de Servie, de Bosnie, Herzogevvïne ei d'Albanie, et le sultan délibéra avec ses généraux pour savoir si l'on atlquerait sa s s'arrêter à la supériorité de l'ennemi (4). Plusieurs furent d'avis de réunir les chameaux devant le front de l'armée , afin de jeter le trouble dans les rangs des Européens par l'aspect étrange de ces animaux (ô), et de s'en servir en même temps comme d'une sorte de rempart. Le prince Bajesid combattit cette proposition. «Le ciel, disait-il, avait lusqu'alors couvert les armes ottomanes d'une protection si extraordinaire qu'il n'était pas besoin d'une telle ressource, un stratagème de cette nature portait atteinte à la confiance que l'on mettait en Dieu; il fallait combattre face à face et à découvert.» Le grand vesir app'iya ce sen'ùnenl do prince par le résultat de la consultation faite dans la nuit sur les feuillets du Kor.m , selon la coutume. Il était tombé sur ce passage: «O Prophète, dompte les infidèles et les hypocrites! et, en effet, souvent une faible troupe en abat une plus grande(l). »Le beglerbeg Timurtasch repoussa aussi la proposition par des motifs puisés dans l'expérience de la guerre plutôt que dans la religion; il représenta que les chameaux seraient effrayés par la grosse cavalerie plutôt qu'ils ne jetteraient la terreur dans les troupes opposées, et qu'en reculant, ils rompraient les rangs des Ottomans, au lieu de jeter le désordre dans ceux de l'ennemi (2). Le conseil se sépara à la nuit sans qu'une résolution eût été prise. Murad, découragé de voir que le vent, soufflant du côté de l'ennemi, chassait la poussière au visage des Ottomans, pria toute la nuit pour obtenir l'assistance d'en haut (3) et la faveur de mourir en martyr dans la défense de la vraie foi et de l'islam, qui seul peut donner la félicité. A la naissance du jour, les nuages de poussière tombèrent sous une pluie bienfaisante.

Du côté des alliés, dans le conseil de guerre, la proposition d'attaquer durant la nuit fut rejetée par Georges Castriota, qui prétendit que la nuit favoriserait la fuite de l'ennemi, le déroberait à sa destruction complète. Lorsque le ciel fut éclairci, les deux armées se trouvèrent en présence, prêtes au combat. Celle des infidèles, composée de Serviens, Bulgares, Bosniens, Albanais, Valaques, Polonais et même de Hongrois, d'après le témoignage de l'historien ottoman, était disposée dans cet ordre: Lazare, roi de Servie , commandait le centre, son neveu Wuk - Brankovich l'aile droite, et le roi de Bosnie, Thwarko, l'aile gauche. Les Ottomans étaient ainsi rangés: Murad choisit sa place accoutumée au nilieu de l'ordre de bataille, le prince Bajesid prit le commandement de la droite, le prince Jakub la conduite de la gauche. Au premier furent adjoints Ewrenos-Beg et Kurd, aga des Asabes; au second, le subaschi Aine-Beg et le chef ries pionniers Saridsche-Pascha. Haider, maître de l'artillerie, se tint au front avec ses pièces distribuées entre les janitscharcs; sur les derrières furent placés les bagages de l'armée (1). La bataille s'engagea, et déjà l'aile gauche des Ottomans commençait à plier, lorsque Bajesid accourut à son secours, brisant devant lui les tètes des ennemis avec une massue de fer. Le sang coulait à grands flots. Tout à coup, au milieu des morts et des mourants, s'avance un noble servien, Milosch-Kobilovitsch, qui, s'ouvrant violemment un passage a travers les rangs des tschauschs et des gardes du corps, s'écrie qu'il veut confier un secret à Murad. Sur un signe du sultan, on le laisse approcher; le Servien s'élance, et, au moment où il se courbait comme pour baiser les pieds de Murad, il lui plonge son poignard dans le ventre. Les gardes du corps se précipitent sur l'assassin; mais Milosch, plein de vigueur et d'agilité, en abat plusieurs; trois fois, par d'incroyables efforts, il échappe à la foule des assaillants, et cherche à gagner le bord du fleuve où il avait laissé son cheval, mais enfin, accablé par le nombre, il est renversé et mis en pièces (2). Cependant, malgré sa blessure mortelle, Murad eut encore assez de force d'àrae pour donner les ordres qui devaient achever la victoire. Lazare fut pris et amené dans la tente de Murad , qui se trouva en état de prononcer sa condamnation, et qui, avant d'expirer, vengea d'avance sa propre mort si prochaine par celle de son ennemi 1389.

Tel est le récit présenté par les historiens ottomans sur l'action de Milosch-Kobilovitsch; les Grecs et les Serviens ne rapportent pas de même le meurtre du sultan. Si les Turcs ont l'habitude de rabaisser les actions glorieuses des chrétiens, ceux-ci sont trop disposés à grandir leurs héros, à les revêtir des plus brillantes couleurs. Il faut donc opposer les uns aux autres les témoignagescontradictoires, et, dans le doute, s'abstenir de prononcer. Voici comme l'action de Kobilovitsch est racontée, non-seulement par les traditions serviennes, mais encore par l'un des Byzantins les plus dignes de foi, Jean Ducas, petit-fils de l'empereur de ce nom : « La veille de la bataille, le roi Lazare était à boire avec ses nobles dans des coupes appelées stravizas: a Vide cette coupe à ma santé, dit Lazare à Milosch, quoique tu sois accusé de nous trahir.—Merci, sans les stravizas, répondit Milosch, la journée de demain prouvera ma fidélité.» Le lendemain matin, Milosch ?e rendit sur un puissant coursier dans le camp ennemi , et demanda comme transfuge à être admis à baiser les pieds du sultan, ce qui lui fut accordé. Alors, il se baissa, et, saisissant le pied de Murad, il le jeta à bas de son siège, en l'attirant en avant, et lui plongea son poignard dans le cœur. Puis il s'enfuit avec une telle rapidité qu'il parvint à atteindre son cheval; mais, avant qu'il pût s'élancer en selle, il tomba percé de mille coups par les janitschares. Aussitôt, les Turcs engagèrent la bataille en fureur pour venger l'assassinat de leur souverain. Lazare ordonna au chef des Bosniens, Wladko-Bukovich, détenir tète aux Turcs avec vingt mille hommes. La première charge fut repoussée avec succès; mais, au moment où Wladko allait attaquer à son tour, le bruit se répandit dans l'armée que Tragos-Prowisch, général du despote , avait tourné ses armes contre les chrétiens; ce bruit, qui était faux, fut-il un effet du hasard ou bien un artifice des Turcs? On ne sut; mais, quoi qu'il en soit, Wladko, effrayé, s'enfuit avec les Bosniens, et Lazare, abandonné des siens, tomba, sans résistance, avec ses nobles entre les mains de l'ennemi. Conduit dans la tente du sultan mourant, il apprit alors seulement comment Milosch-Kobilovitsch, au moment décisif, avait prouvé la foi par lui jurée. «Grand Diu, s'écria Lazare, en levant les mains vers le ciel, appelle maintenant mon âme à toi, puisque tu m'as accordé la grâce de contempler, avant ma mort,mon ennemi expirant, frappé de la main d'un guerrier fidèle. » A l'instant le souverain de Servie et ses nobles furent exécutés devant le sultan agonisant, qui put encore entrevoir leurs cadavres. Au reste, d'après l'une ou l'autre version, quelle que soit la véritable, Murad ne fut point frappé dans une attaque à découvert, dans un combat d'homme à homme; le meurtre sur le champ de bataille a quelque chose de moins odieux que le coup porté dans la tente; Milosch, sortant d'un monceau de cadavres, aura bien pu exécuter le projet conçu et médité à l'avance;

ainsi, la vraisemblance se trouve du côté des historiens ottomans. Quoi qu'il en soit, le nom de Milosch-Kobilovitsch est inscrit dans les annales des Ottomans comme celui d'un meurtrier; et il est répété par les Serviens comme celui du vengeur de la liberté de la patrie. Et toutefois, d'après le témoignage irrécusable des écrivains de la Servie, l'action de kobilovitsch fut déterminée par l'ambition et par le désir de se laver du soupçon de trahison. Voici ce qui donna naissance à ce soupçon : W ukaschava et Mara, les deux filles de Lazare, étaient mariées, la première à Milosch, l'autre au rival de ce seigneur, Wuk-Brankovich. Les deux sœurs disputant un jour sur la valeur de leurs époux, Wukaschava appuya ses raisons par un soufflet. Mara se plaignit, en pleurant, a Braokovict qui appela son beau-frère en duel. Le combat eut lieu avec la permission du roi. Milosch renversa son adversaire à bas de son cheval, et le vaincu, par un vil ressentiment contre son vainqueur, l'accusa d'intelligence avec les Turcs. On a vu comment, la veille de la bataille, le roi, en présence de tous les grands, présenta la coupe d'argent à Milosch (1), et comment celui-ci accomplit la parole qu'il avait donne* • Ainsi, son action héroïque fut provoquée p r une querelle de femmes. Au reste, le nom de Milosch-Kobilovitsch est perpétué chez les Serviens et les Ottomans de plus d'une manière (2). Dans l'arsenal du serai, on conserve son armure et l'équipement de son cheval (3); et l'usage, observé encore aujourd'hui, à l'entrée du serai, pour les audiences du sultan, de faire introduire sans armes le personnage présenté par des chambellans qui lui tiennent les bras, ce cérémonial, plein de mesures préventives. « rapporte au meurtre de Murad (4). Sur le champ de bataille de Kossova, on montre trois grandes pierres, placées à la distance de cinquante aunes l'une de l'autre, qui marquent les trois bonds par lesquels Kobilovitsch échappa aux gardes du corps lancés sur lui (5); une chapelle turque marque l'endroit où Murad succomba; mais ses restes ne reposent point en ce lieu (1): ils furent transportés à Brusa et déposés contre la mosquée élevée par ses soins.

La vie de Murad justifia pleinement les deux surnoms de Chudawendkiar (seigneur) (2) et de Ghasi (vainqueur), sous lesquels il est célébré dans l'histoire des Ottomans. Il fut un champion infatigable dans la guerre sainte, et presque toujours un maître équitable. Cet hommage lui est rendu par Chalcondylas lui-même, malgré l'exécution de Sandschi et la scène si tragique deDemitoka, alors que le sultan faisait précipiter dans les flots de la Marizza les jeunes nobles grecs, ses prisonniers (1).

La même année où Murad tomba sous le poignard de Milosch-kobiloviisch, vit aussi mourir Behadeddin, le grand scheich des Nakschbendis, et le premier des poètes lyriques persans, Hafis, dont le style est le modèle du mysticisme (2). Ce synchronisme est ici indiqué, parce qu'il marque le plus haut degré de mysticisme et de la poésie des Persans, qui dès lors commencent à exercer une grande influence sur la littérature des Ottomans.


(1) Amurates autem per omnia imilansaequitatemCyri Cauibysis filii ; Chalcoad., I.
(2) Hadschi-Chalfa, Tables cbronologiques.
(1) Nescbri, fol. 90; SsadeddiB.foUôi fol. 12.
(2) Ssolalsade, fol. 12.
 (1) Parawadi dan*la Rumili d'Hadschi-Cbalfa, p. 3l, est l'ancien Probaton ; Mannert, vin , p. 139.
(2) Schumna, Rumilid'Hadschi-Chalfa,p. 35.
(3) D'aprè» Mannert , Tiii , p. 14l , Tirnawa était l'ancien ne l>impolis.
(4) La description de la plaine de Kossova se trouve dans Bonttni ns, et en outre dan* un ouvrage fort ancien et fort rare, Itinéraire de l'ambassade de Wegraysz a Coiistantinople auprès de l'empereur Suleiman, imprimé en 1531.

(5) Dan» Rratutti. Voy. a la page 138, Triciania.

(6) Dans Bratutti, p. 137 ; Hirdania.
Ci) Neschri.fol. 82.
(2)  foi.,s;.M Seadeddin, dans Bralutti, p. 145.
(3) Ibid., fol. 75.
(4) Seadeddin , dans Bratutti, p. 143. (5, Ibid., p. 145.
(6) Aminicn Marcellin , 1. xxi, p. 10.
on voyait couler des ruisseaux de lait et de miel. La première halte fut dans la grande vallée d'UluOwa
 d'UluOwa la marche se poursuivit vers Karatova (7),
(1) Amraion Marcellin, pas», cité. HmcvteinaB medi- terranneis Dacis. Ibiil
(2) La Huiinli d'Hadschi-Chalfa, p. 57; Neschri, fol. 81.
(3) Nescbri, fol. 82.
(4) /Wrf.,fol.82.
(5) Ibid.
(6) Ibid.
(7) Ibid.
(8) Ibid.
(1) Nescbri, fol 85.
(2) Ibid., toi. 83.
(3) Ronfinii rerum hunçaricarum Décades; Franco- furti, 1581, p. 471.
(4) Seadedclin, dans Bralutti, p. 146; fb).87.
(5) Ibid., p. 147.
(1) Neschri, fol. 87.
(2) Seadeddin,dansBratutti,p. 148.
(3) La prière se trouve tout au long dani Bratutti, P- 148el 149.
(1) Nescbri, fol. 90; SsadeddiB.foUôi fol. 12.
(2) Ssolalsade, fol. 12.

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Binvenue a tout les visiteurs

Je ponce que chaque étér humain a besoin de savoir d'oû on vienne, de quelle origine et quelle pays.
Par fois l'Encyclopédie ne sufit pas, ex. sur les origines du peuple serbe il manque la question clef; d'ou viens t-il les serbes d'Europe ?
Cet page vous fournie des doc. des pages des livres comme témoingage sur leurs origine et leurs véritable parcoure jus' que acctuélel Kosovo qui l'ont ocuper en 1217 aprés notre ére.


Vous conaissée l'histoire du peuple serbe ?